Voyage immobile

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Il y quelques jours, ma fille a acheté du basilic. Un joli pot, derrière l’évier.

Elle fait ses études dans une ville charmante du sud de la France, et sa cuisine est petite, immaculée et bien rangée.

De la couleur sur tout ce blanc, je lui conseillais depuis: du vert brillant, qui réchauffe et rafraichie en même temps; du végétal, pour apporter de la vie, et du parfum, aux petits plat qu’elle aime se concocter.

La jolie plante invite à s’en servir.

Dès qu’elle détache, et hume, les feuilles parfumées, tout lui revient.

Ses étés d’enfant près de la Méditerranée, le gout du pesto, le parfum de la mer, la maison de sa grand-mère.

Elle s’est retrouvée à l’arrière de notre voiture, entourée de bagages, le dernier jour des vacances: nous faisions toujours une halte chez le producteur installé tout juste en haut du village, avec une vue imprenable sur le grand bleu.

J’inondais la voiture de basilic Genovese – cagettes et cagettes remplies des typiques bouquets avec les racines. Une fourniture assez copieuse pour préparer du pesto à congeler pout tout l’hiver.

Et on repartait, un peu tristes, avec ce parfum enivrant qui accompagnait notre retour.

Si j’y repense, je me retrouve à l’entrée des serres, le regard perdu dans la marée verte, surmontée des passerelles en bois, pour traverser sans toucher les feuilles fragiles.

J’entends le chant des cigales, je sens la chaleur du soleil sur ma peau, je peux presque entendre l’aboyer du chien de garde et le bruit lointain des camionnettes Ape, qui faisaient la livraison aux restaurants de la Riviera.

Pourquoi l’odeur a ce pouvoir d’évocation si puissant?

« L’odore ti dice subito senza sbagli quel che ti serve di sapere; non ci sono parole, né notizie più precise di quelle che riceve il naso »

Italo Calvino

Combien de fois je me suis rappelée d’un lieu, d’une situation ou d’une personne juste parce-que j’étais plongée dans son parfum?

La senteur délicate de ma mère sur les foulards hérités, ou celle de mon père, savon et cuir et mousse à raser; l’odeur de l’ascenseur de la maison des vacances, le parfum envoutant d’un homme perdu, les épices des souks lointains dans le temps…

Parmi les sens, l’odorat est le seul qui se branche directement aux centres de la mémoire et aux structures du cerveau qui élaborent les émotions. Un souvenir olfactif constitue donc une véritable instantanée.

L’exposition à une même fragrance est capable de faire affleurer une image ou un moment précis comme s’ils étaient vécus dans le présent, réalisant ainsi un vrai voyage dans le temps!

Ça s’appelle aussi l’effet Proust.

Alors, à chacun sa madeleine…

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